Introduction
Les enquêtes sur le #télétravail qui cherchent à déterminer si c’est un mode de travail performant et bon pour la qualité de vie sont souvent uniquement déclaratives : « les salariés déclarent être plus productifs... Ils déclarent être plus heureux, … ». Mais les études qui mesurent les résultats directement sont rares pour des raisons bien compréhensibles. Il faut une société qui se prête à ce genre d’exercice et trouver de vrais indicateurs.
Malgré ces difficultés, une étude concernant les impacts quantitatifs tangibles a été réalisée et présentée en 2017. Vous trouverez ci-dessous une traduction libre de l’article du professeur d’économie Nicholas Bloom du 20 septembre 2017 décrivant ses conclusions ainsi que les courbes issues de sa présentation TEDx.
Mise en place de l'expérience
Imaginez une personne travaillant à la maison. Si vous vous représentez quelqu'un en pyjama qui regarde des vidéos sur son ordinateur portable, vous n'êtes pas seul. « Beaucoup de gens pensent que travailler chez soi est une façon d’éviter de travailler », dit Nicholas Bloom, professeur d'économie à l'université de Stanford (TEDxStanford Talk: Allez-y, dites à votre patron que vous travaillez à la maison).
Nicholas Bloom codirige le programme de productivité, d’innovation et d’entreprenariat du National Bureau of Economic Research des États-Unis. Il a lui-même a travaillé de son domicile et comme tout le monde, il a constaté que ce mode de travail se répand lentement mais surement. Et il pense que le télétravail ne se réduit pas à regarder Netflix toute la journée.
Aux États-Unis, le nombre d’employés qui pratiquent le télétravail a triplé au cours des 30 dernières années. Cependant le taux reste faible puisque seulement 2,4% des américains télétravaillent. "Sur les 150 millions d'Américains qui travaillent, cela signifie néanmoins qu'environ 3,6 millions d'Américains travaillent à domicile".
D'un autre coté, dans les pays en développement - où la technologie mobile et l'amélioration de la connectivité numérique ont coïncidé avec la congestion et la montée en flèche des loyers dans les villes - entre 10 et 20% des employés travaillent à distance au moins une partie du temps.
Il a trouvé peu d'études impartiales à l’époque sur le sujet du travail à domicile. « Tout ce que j'ai vu était diffusé par des personnes qui étaient favorables au télétravail dès le départ. Les opposants restaient silencieux ». De fait, ce n’est pas un sujet facile à explorer. « Cela nécessite une étude pointilleuse et un nombre suffisant de participants pour former des groupes expérimentaux et témoins. Les participants doivent également être prêts à poursuivre l'expérience pendant une période suffisamment longue [pour que les résultats soient significatifs]». Enfin, une autre contrainte est que les chercheurs doivent trouver une entreprise disposée à expérimenter avec leurs travailleurs.
Heureusement, Bloom connaissait quelqu'un pouvant lui permettre de mettre en place une telle approche. James Liang, cofondateur et PDG de Ctrip, la plus grande agence de voyages de Chine, faisait partie de ses étudiants à l'époque.
L’entreprise de James Liang comptait 16.000 personnes. « Un jour, alors que James et moi parlions, il m’a dit que Ctrip était intéressé de permettre à ses employés de Shanghai de travailler de chez eux ». Les bureaux dans la mégapole chinoise coûtaient cher et la société connaissait des taux de démission élevés. Ces départs étaient dus en partie à cause du coût de la vie dans le centre-ville et de devoir supporter des trajets domicile-travail longs et difficiles. Mais sans données concrètes pour éclairer leur décision, la société hésitait à apporter des changements importants à sa politique de télétravail.
Bloom et Liang ont conçu une expérience pour tester le travail à distance. Plus de 500 employés du centre d’appel de la société se sont portés volontaires pour l’expérience et environ la moitié de ceux-ci répondaient aux critères de l’étude : avoir une chambre privée à la maison pour travailler, être un employé Ctrip depuis au moins six mois et posséder un accès haut débit décent. Les personnes ayant des anniversaires un jour pair ont été sélectionnées pour effectuer le télétravail quatre jours par semaine. Ceux avec des anniversaires tombant des jours impairs sont restés au bureau en tant que groupe de contrôle.
Les employés seraient-ils en mesure de résister aux trois principaux pièges de la maison selon Bloom : "le lit, la télévision et le réfrigérateur" ? Le fait que les employés des centres d’appel soient parmi les plus jeunes de l’entreprise et qu’ils soient particulièrement exposés aux distractions sans supervision en présentiel a également inquiété les responsables de Ctrip.
Résultats de l'expérience
L’étude a duré neuf mois et Bloom a prédit lors de son lancement que l’expérience serait probablement équilibrée en termes d’avantages et d’inconvénients.
Quand ils ont examiné les résultats, le management de Ctrip et Bloom ont été stupéfaits. “C'était incroyable. Ctrip a économisé $ 1.900 par employé au cours de l’étude sur les bureaux, et nous savions que cela se produirait », déclare Bloom. «Mais à notre grand étonnement, les employés travaillant à domicile étaient loin d’être oisifs : ils ont augmenté leur productivité de 13,5% par rapport à ceux qui travaillent au bureau. C’est comme si chaque employé travaillait une journée de travail supplémentaire. » Les personnes travaillant à domicile ont également indiqué prendre des pauses plus courtes, ont globalement eu besoin de moins de congés maladie et pris moins de congés (sic !).
Les gains sont allés au-delà de la productivité :
Le taux de démission du groupe de personnes travaillant partiellement à domicile était inférieur de 50% à celui de ceux qui travaillaient toujours au bureau.
Lors d'entretiens avec les chercheurs, les employés distants ont également signalé une plus grande satisfaction au travail. Malgré tout, à la surprise de la direction de Ctrip, plus de la moitié des pratiquants de télétravail ont changé d'avis quant au travail à domicile - ils se sentaient trop isolés. Et pour nombre d'entre eux, être à la maison n'était pas assez isolé. « Certains des employés qui vivaient avec leurs parents étaient tout à fait prêts à retourner au bureau », rapporte Bloom.
Au total, l'étude montre que les entreprises ont peu à perdre - et beaucoup à gagner - en permettant aux employés de travailler à domicile. « Mon conseil aux entreprises curieuses est d’examiner différentes manières de le faire » conclue Bloom.
Un ou deux jours par semaine est probablement le temps idéal pour travailler à domicile, suggère Bloom.
"Vous ne voulez pas aller beaucoup plus loin car vous risqueriez de mettre en péril la cohésion de votre équipe." Alors que les entreprises se font concurrence pour embaucher et fidéliser les meilleurs employés, pouvoir offrir la possibilité de travailler à domicile peut rendre l'affaire d'autant plus intéressante.
Conclusion de l'étude selon Nicholas Bloom
«La nécessité d'aller sur un lieu de travail cinq jours par semaine a commencé parce que les gens devaient se rendre dans une usine pour fabriquer des produits», dit-il. "Mais les entreprises qui traitent toujours leurs employés de la sorte se trouvent de plus en plus désavantagées."
Comentarios