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Iceberg de l’ignorance : les ignorant(e)s ne sont pas ceux qu'on croit ...

L’« iceberg de l’ignorance » est un concept qui sert beaucoup à mettre en lumière l’incapacité des dirigeants à connaitre les « vrais problèmes » des entreprises qu’ils dirigent du fait d’une communication catastrophique au sein d'une organisation.


Il suffit de regarder un fil LinkedIn pour voir combien cette approche est populaire :

Cependant, les personnes qui postent les résultats de cette "étude" se font piéger.


Car cet iceberg est plutôt le symbole de l’ignorance… des gens qui utilisent cette approche.

Attention, il y a peu de doute que la communication est LARGEMENT améliorable en entreprise, mais ce constat ne provient surement pas de cette « étude ». Les personnes qui utilisent ces pourcentages sont victimes de biais cognitifs (celui de confirmation en tête) et d'une absence potentielle d'esprit critique. Voici pourquoi ...


Regardons les bases de cette approche :

  • Le japonais Sidney Yoshida aurait mesuré (comment ?) en 1989 les pertes d’informations qui surviennent pendant les remontées d’informations sur les problèmes rencontrés par les opérateurs dans des usines automobiles… OK.

  • Selon son constat, seuls 9% de ces problèmes sont connus du management intermédiaire et 4% par le top management … alors que 74% de ces problèmes sont pourtant connus du management de proximité.





    Il est rarement mentionné plusieurs choses :


  • Ce constat vient d’une « étude » menée sur les problèmes rencontrés par les opérateurs dans les usines automobiles.

  • Le terme « iceberg de l'ignorance » a, en fait, été popularisé par Steven Covey dans son livre à succès « The Seven Habits of Highly Effective People », publié en 1989. Covey s'est référé aux recherches de Yoshida et a utilisé la métaphore de l'iceberg pour illustrer comment, selon lui, la plupart des problèmes au sein d'une organisation restent cachés sous la surface, invisibles aux membres de la Direction.

  • Les recherches originales de Sidney Yoshida sur l'iceberg de l'ignorance ne sont pas disponibles dans la littérature même si le concept a été référencé et discuté dans divers livres sur la gestion et le leadership. Selon certains, Sidney Yoshida aurait présenté son étude au Symposium international sur la qualité à Mexico en 1989 (“Quality Improvement and TQC Management at Calsonic in Japan and Overseas”).

  • Le simple fait que l'on ne trouve aucune publication pose de nombreuses questions méthodologiques : Auprès de quels sites de cette société, quel est l’échantillon, de quelles données non transmise au management parle-t-on (le boulon X n’est pas toujours bon diamètre ? Les airbags sont défectueux ? L’opératrice Y est souvent absente ? L’opérateur Z est un coureur de jupons ? …) et comment sait-on de quoi chaque étage hiérarchique est au courant ? Quelle est l’étendue de l’organisation dans ces usines, combien y a-t-il de strates de management intermédiaire, …

  • Plus bizarre encore, certains affirment que "Il n'y a aucune preuve de l'existence d'un article intitulé « Amélioration de la qualité chez Calsonic au Japon et à l'étranger » dans la base de données (Google Scholar). De même, il n'y a aucune preuve de la tenue du 2e Symposium international sur la qualité au Mexique en 1989 ou toute autre année."

  • Enfin, il n'existe aucune preuve de l'existence d'un consultant du nom de Sidney Yoshida. (Yenice, 2018)». Voir shepherd-partnership.com/the-iceberg-of-ignorance-i-call-bs-its-a-management-myth/ et Organizational Culture and Managing Change (diapos 14 et 15) IFCC.org


    Pour terminer, rajoutons que, même dans le cas où les constats diffusés partout existaient réellement, doit-on néanmoins juste en conclure « Ahhh, ils sont vraiment nuls dans les entreprises, ils communiquent super mal » ?


Selon vous, le rôle du management est-il :

  1. Exclusivement de remonter les problèmes ?

  2. D’aider leurs équipes à résoudre les problèmes et ne jamais en parler ?

  3. D’aider leurs équipes à résoudre les problèmes et dans le cas où ces problèmes sont insolubles à leur niveau, de remonter l’information ?


Si vous répondez 1 ou 2, réfléchissez et choisissez 3. Si vous répondez 3, voyons ensemble quelle lecture nous pourrions avoir de ces données si elles étaient authentiques :


Ces nombres pourraient indiquer qu'une part importante des soucis sont résolus par les équipes elles-mêmes (26%). Au passage, remarquez la précision de ces « données », c'est pas 25% +/- 5%, c'est 26,00%. Aucune idée du pourcentage réel de cette contribution, mais il doit bien y avoir des problèmes résolus par les équipes elles-mêmes.


Le management de proximité, pourrait être un contributeur émérite : il résout 65% des soucis qu’on lui communique. Cela dépend de son efficacité, mais s'il s'agit de managers capables avec des strates managériales composées de managers dynamiques, pourquoi pas ?

Si les problèmes deviennent plus délicats, le management intermédiaire en résout déjà plus ou moins la moitié. Ce qui donne 4% qui parviennent à la Direction à travers une sélection des soucis "stratégiques". Cette lecture est probablement tout aussi valable que de prendre sous l'aspect d'une mauvaise communication dans l'organisation.

 

Bien sur, cette explication à l'inconvénient d'être moins sexy !!! Elle ne casse personne, elle ne met pas en avant un argument de vente « vous êtes des gros nuls en communication », mais elle est tout aussi crédible et a l'avantage de reconnaitre les contributions des équipes et des managers à la résolution de problèmes. Dans une entreprise où la Direction se mêle de tout, c'est la catastrophe, soyez-en persuadé(e)s !


Même si vous n’êtes pas d’accord, je vous propose quelques questions simples à se poser sur ces publications de l’« iceberg de l’ignorance » !

  • Est-ce le rôle de la Direction de connaitre 100% des problèmes que rencontre un opérateur ?

  • Selon vous, un bon dirigeant devrait connaitre quel pourcentage des problèmes rencontrés par les opérateurs ?

  • Un opérateur ou un manageur intermédiaire qui rencontre un(e) directeur/trice parle-t-il des problèmes que rencontre les opérateurs ? Si oui, dans quel cas ?


Bien manager, bien former, bien conseiller, commence par vérifier les sources des modèles qu'on utilise et inspecter la crédibilité de l'approche.

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